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Vie du Père Basile Moreau

Basile Moreau est né le 11 février 1799, à Laigné-en-Belin, le jour que devait consacrer, cinquante-neuf ans plus tard, la Vierge Marie par son apparition au rocher de Lourdes. Il reçoit sa formation littéraire au collège de Château-Gontier. Il est tonsuré à 17 ans, avant sa rhétorique. Il fait sa philosophie au Petit-Séminaire de Tessé, et sa théologie au Grand Séminaire Saint-Vincent, où se trouve alors, comme supérieur, l’abbé Bouvier, le futur évêque du Mans.

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Partout où il passe, ce jeune homme rayonne par sa vertu et attire l’attention de ses supérieurs. A Château-Gontier, l’abbé Horeau, conquis par l’élévation morale de son élève, rappelle à son évêque l’excellent souvenir qu’il en garde et le réclame déjà, alors qu’il n’est que sous-diacre, comme l’auxiliaire et le successeur que son grand âge et ses infirmités lui conseillent de préparer. A Tessé, le chanoine Jean Fillion lui voue une grande estime et deviendra son hôte et son commensal, les vingt dernières années de sa vie. A Saint-Vincent, sa vertu se manifeste si visiblement que son supérieur n’hésite pas à recommander Basile au sacerdoce alors qu’il n’a que vingt-deux ans. Il est ordonné le 12 août 1821 par Son Exc. Mgr de la Myre.

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A peine ordonné prêtre Basile ne rêve que missions étrangères. Son évêque a d’autres desseins. Il l’envoie à Saint-Sulpice, à Paris, pour le préparer à la direction des séminaires, car c’est à cette œuvre difficile et primordiale qu’il le destine. Basile passera deux ans à Paris et à la solitude d’Issy, où il a le bonheur de rencontrer un saint, l’abbé Mollevaut, qu’il prendra comme directeur et qu’il gardera, même lorsqu’il sera devenu professeur réputé, sous-supérieur du Grand-Séminaire, prédicateur renommé, fondateur et supérieur général de deux communautés religieuses. Sa correspondance en fait foi, il ira avec la simplicité d’un enfant chercher régulièrement auprès de ce saint sulpicien la lumière et la force don son âme a besoin.

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Les douze premières années de sa vie active, de 1823 à 1835, il les consacre, sous le signe de l’obéissance, à la tâche de l’éducation. Il enseigne la philosophie deux ans au Petit Séminaire de Tessé, cinq ans la théologie dogmatique au Grand Séminaire du Mans, et, cinq autres années, l’Ecriture sainte. Dieu le préparait aux tâches qui l’attendaient.

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Alors s’ouvre pour le Père Moreau un débordement d’œuvres extérieures étonnantes, dans la fidélité souvent héroïque aux exigences de la vie intérieure, au milieu de tracas et d’oppositions de toutes sortes. Déjà, en 1833, il avait fondé le monastère du Bon-Pasteur au Mans, pour la protection et la réhabilitation de la jeunesse féminine. Cet établissement lui occasionna de bien graves difficultés, sources d’incompréhensions et de calomnies qui firent souffrir son âme délicate. En août 1835, il organise une société de prêtres auxiliaires et reçoit des mains du saint curé de Ruillé-sur-Loir, l’abbé Jacques Dujarié, sa congrégation des frères de Saint-Joseph, fondée en 1820. En mars 1837, il unit les deux sociétés et fonde la Congrégation de Sainte-Croix. Pour compléter son œuvre, en vue d’honorer la Sainte-Trinité par l’imitation de la sainte famille de Nazareth, il fonde les Marianites de Sainte-Croix. Il rencontre maints obstacles dans le développement de ses Instituts. Mais rien n’arrête le Père Moreau. Il rédige règles et constitutions, fait face aux mille difficultés d’une double œuvre naissante, n’abandonne rien de ses pratiques d’une piété remarquable, compose lettres circulaires, sermons, livres spirituels ou pédagogiques, bâtit son église conventuelle au Mans, implante l’œuvre de Sainte-Croix en Algérie en 1839, aux Etats-Unis en 1841, au Canada en 1847, au Bengale en 1852, en Pologne en 1858. Les appels mêmes qui, a cette époque, viennent de l’Amérique du Sud ne le laissent pas indifférents et la Congrégation y répondra en son nom, en 1942 et 1944 par des fondations au Chili, au Brésil, en Haïti et en Argentine.

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Plus le Père Moreau avance en âge et développe son œuvre, plus l’épreuve fond sur lui, comme l’épervier sur la proie convoitée. Suspicions, incompréhensions, problèmes financiers, critiques, défections nombreuses, morts inopinées de religieux éminents, de missionnaires engloutis sous les flots à leur arrivée au Bengale, menaces de rupture avec son administration, tout s’amoncelle pour l’écraser. Et il n’est pas encore à la fin de ses tourments. La Congrégation d’hommes qu’il a fondée va le renier, elle va même le chasser de cette maison et de cette église qu’il a bâtie à force de prières, d’aumônes et de sacrifices. Elle vend l’une et l’autre, comme si elle voulait effacer toute trace de ses splendides réussites. Honoré du titre de Missionnaire Apostolique, le Père Moreau, maintenant âgé de 70 ans, se livre désormais, avec une humilité admirable, à la prédication uniquement. Toujours préoccupé de la gloire de Dieu et du salut des âmes, il porte la bonne semence de paroisse en paroisse, surtout chez les pauvres et les abandonnés. Il meurt en pleine mission. Tombé malade à Yvré-L’Evêque, où il est allé prêcher, il revient au Mans pour rendre à Dieu sa belle âme, dix-huit jours après, le 20 janvier 1873. A la nouvelle du décès, des fidèles de toutes classes sont attirés vers son cercueil, écrit à ses filles, la Mère Marie-des-Sept-Douleurs, fondatrice des Marianites, et s’empressent « de faire toucher à sa main leurs objets de piété ». Cette manifestation se continue pendant l’office mortuaire. « Notre vénéré Père, ajoute la chère Mère, couché dans sa parure sacerdotale, attirait par l’expression de paix et de prière que le dernier sommeil avait rajeunie en adoucissant les traces du labeur et de l’austérité ». La Congrégation des religieux de Sainte-Croix fut représentée à ses funérailles par quatre de ses membres.

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« Quelle vie, dirai-je en conclusion avec le T.R.P. Gilbert Français, que la vie du T.R.P. Moreau… ! Elle a pris naissance dans un milieu de famille modeste, mais très honorable et très pieux. Elle s’est ouverte en des années encore tout agitées du souffle mauvais de la Révolution française. Elle s’est développée dans le sanctuaire, au pieds des autels. Elle s’est formée et perfectionnée à Saint-Sulpice sous la direction d’un des meilleurs fils du grand Monsieur Olier, M. Mollevaut. Elle a été utilisée avec le plus grand fruit dans l’enseignement d’un Grand Séminaire. Elle s’est élancée dans la plus féconde des activités pour la gloire de Dieu, pour la dévotion de la Sainte Vierge, pour le culte de saint Joseph, pour la défense de l’Eglise et de sa vraie doctrine. Elle s’est élevée à la hauteur de la vie religieuse, d’une vraie vie religieuse, vie d’exacte régularité, vie de renouvellement intérieur continuel, vie de mortification, vie d’apostolat très actif que la mort seule a pu arrêter. Elle s’est trempée dans le creuset des épreuves les plus longues et les plus sensibles pour une nature ardente. Elle s’est endormie dans toutes ces dispositions de haute piété. Elle s’est éteinte dans le silence et la solitude. Seul, tout seul, le bon Dieu a pouvoir et connaissance pour juger, apprécier et récompenser une pareille vie. Il l’a récompensée dès ici-bas, car aucune de ses œuvres n’est morte ; toutes ont repris vie au sortir de ces épreuves mortelles au point du vue humain ». Le T. R. Père Français fait alors la revue des progrès de la Congrégation dans les diverses provinces, chez les pères, chez les frères, comme chez les sœurs de Sainte-Croix, de même que chez les sœurs du Bon-Pasteur du Mans et il conclut : « Rien donc n’est mort. Tout vit, et d’une vie forte. N’y a-t-il pas là une bénédiction spéciale due à l’intercession de notre vénéré fondateur ? Je le crois ; croyez-le avec moi… »

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D'après Albert-F. Cousineau, c.s.c.

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